Cinquième jour d’une course échevelée pour les rescapés de la Transat Jacques Vabre. Fabrice Amedeo et Eric Péron à bord de l’Imoca Newrest-Matmut émergent ce matin au large de Santa Maria, dans l’archipel des Açores, un peu groggy après une nouvelle nuit tempétueuse. « 48,1 noeuds de vent à l’anémomètre! » Les deux hommes, bien que reclus au fond de leur grotte, la cellule de vie, ou de survie plutôt de leur monocoque, parviennent à maintenir un rythme de course élevé, sur une belle trajectoire, tout en préservant de leur mieux l’intégrité de leur bateau. Newrest-Matmut, plan Farr lancé en 2007 mérite amplement depuis Le Havre, et après avoir encaissé pas moins de trois dépressions, son surnom de « coffre fort », forçant l’admiration de ses deux skippers.
Le bateau est un coffre fort !
« So far, so good ! » Fabrice Amedeo et Eric Péron, conscients de la route à parcourir, et de la précarité de leur situation comptable du moment, ont choisi de vivre au mille le mille, au jour le jour. L’Océan Atlantique s’est déchainé depuis lundi dernier sur la flotte de la Transat Jacques Vabre, prélevant un lourd tribut au sein de chaque classe, et le duo de skippers de Newrest-Matmut se fait plus humble avec chaque bord qui les rapproche du Brésil. « Notre objectif est plus jamais de terminer cette course et de rallier Itajai » avoue Fabrice, nullement ému par la très belle 7ème place occupée ce jour au classement général provisoire. « On a fait le dos rond toute la nuit, sur une mer pourtant mieux ordonnée qu’en début de semaine, mais dans un coup de vent très violent, 45 noeuds et plus, qui nous propulsait à toute allure sans que nous n’ayons plus aucun moyen pour ralentir. » Avec trois ris dans la grand-voile et le J3 à l’avant, le bateau a ainsi foncé en ligne droite toute la nuit, étonnant ses skippers par son extraordinaire comportement marin. « Eric et moi étions bluffés de sa tenue à la mer »souligne Amedeo. La vie des deux hommes s’est ainsi recroquevillée devant la puissance des éléments. « On vit un peu reclus dans notre habitacle »poursuit Fabrice. « Le moment le plus dur est lorsque l’on doit s’éjecter du confort relatif de la banette, pour enfiler bottes et cirés trempés. » Amedeo le journaliste-navigateur poursuit avec le soutien éclairé d’Eric Péron, sa formation accélérée à la course au large. « Je suis heureux de connaitre cette expérience de temps fort, en compagnie d’Eric. Seul, cela aurait été une autre paire de manches! »
A 4 100 milles du but
Sur une mer toujours formée, et dans un vent de secteur ouest qui tourne doucement au nord ouest, Newrest-Matmut poursuit sa cavalcade plein sud, désormais à la recherche des alizés. Ceux-ci semblent se reconstituer et le duo Amedeo-Péron se réjouit de pouvoir bientôt relancer de la toile et ouvrir ses voiles pour glisser enfin aux allures portantes. « On a encore une zone de transition à franchir, sous un ciel toujours gris, mais dans des températures agréables. On va faire sécher le bateau, les vêtements et les hommes, et effectuer un check up complet. On sait qu’on a deux-trois bricoles à réparer… » Viendra plus tard l’heure de se projeter sur une course extraordinairement longue, puisque plus de 4 100 milles restent encore à parcourir sur deux hémisphères!
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